lundi, septembre 23

Déficit : des économistes préconisent un régime drastique de 112 milliards d’euros d’économies

La France s’enfonce dans une situation budgétaire chaotique. Trois semaines après le second tour des élections législatives, la situation politique est toujours enlisée. La proposition du Nouveau Front Populaire (NFP) de nommer la fonctionnaire Lucie Castets à Matignon a été balayée d’un revers de main par le chef de l’Etat Emmanuel Macron mardi soir. À Bercy, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire planche toujours sur le budget 2025. « Il y a beaucoup de réunions pour préparer le budget », assure son entourage. Démissionnaire, le locataire de Bercy a dévoilé il y a quelques jours ses dernières pistes d’économies à La Tribune. Après les 10 milliards d’euros décidés par décret en février, le prochain exécutif va sans doute devoir trouver des nouvelles recettes fiscales ou des pistes d’économies pour respecter les objectifs budgétaires de la Commission européenne. Pour rappel, Emmanuel Macron s’est engagé à ramener la France sous la barre des 3% de déficit d’ici 2027.

Dans ce contexte, le conseil d’analyse économique (CAE), rattaché à Matignon et présidé par Camille Landais, a livré ses dernières recettes au prochain exécutif dans une note rendue publique ce mercredi 24 juillet. « Les futurs gouvernements feront face à un double défi. D’une part, pour garantir la soutenabilité de la dette, continuer à se financer à des taux d’intérêt bas et respecter ses engagements européens, la France doit réduire son déficit public dans les années à venir. D’autre part, pour protéger la croissance et éviter une hausse du chômage, elle doit éviter une consolidation trop rapide », soulignent les économistes. Pour mémoire, la dette de la France s’établit à 110% du produit intérieur brut (3.160 milliards) et le déficit public à 5,5% du PIB (154 milliards).

Engager une consolidation budgétaire « progressive »

La France va devoir faire face à d’immenses chantiers dans les années à venir en matière de transition écologique, de Défense et de santé. Les différentes évaluations menées par les économistes chiffrent les besoins d’investissements dans la transition écologique à plusieurs dizaines de milliards d’euros, sans compter les coûts de l’adaptation. Faisant désormais référence, le rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouhz préconise des investissements de l’ordre de 60 à 70 milliards d’euros par an d’ici 2030 pour parvenir à baisser les émissions de CO2 de 55% (par rapport à 1990). Dans le même temps, l’Hexagone va devoir engager une trajectoire de rétablissement des comptes publics.

Pour répondre à ces immenses défis, le conseil d’analyse économique préconise de faire une consolidation budgétaire « progressive ». La France devrait faire « une réduction du déficit primaire d’environ 4 points de PIB, soit 112 milliards d’euros, étalée sur 7 à 12 ans, avec un effort initial plus important ». Avec ce rythme, les économistes estiment que la consolidation budgétaire ne devrait pas peser sur la croissance. En effet, le risque est qu’une politique de rigueur trop drastique puisse peser lourdement sur l’activité. Pour répondre à la crise de la zone euro, le FMI avait préconisé des mesures d’austérité importantes dans plusieurs pays comme la Grèce, avant de reconnaître une erreur de diagnostic. En France, l’Insee table désormais sur une croissance du PIB de 1,1% en 2024 mais la Banque de France a noirci ses prévisions pour 2025.

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Hausses temporaires de taxes et sous indexation

Attaché au dogme de ne pas augmenter les impôts, le ministre de l’Economie en sursis a écarté les propositions des membres de la majorité (Modem notamment) et des oppositions de mettre en place des taxes, même transitoires, sur les superprofits, hormis le dispositif européen de prélèvement. Tablant sur plusieurs milliards de recettes fiscales, le gouvernement n’a finalement obtenu que quelques 300 millions d’euros sur la taxation des énergéticiens, avait révélé une note de l’institut des politiques publiques (IPP) au mois de mai.

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Dans leur travail, les experts du CAE suggèrent de mettre en place des taxes temporaires et une sous indexation générale des dépenses et des tranches d’imposition. A titre d’exemple, « si l’indice du point de la fonction publique (État, territoriale et hospitalière) et l’ensemble des prestations sociales en espèces, ainsi que le barème de l’impôt sur le revenu étaient tous gelés en 2025, plutôt que revalorisés à la hauteur de l’inflation de 2024 (estimée à 2,5 %), cela rapporterait environ 20 milliards d’euros aux comptes publics », expliquent les économistes.

Aides à l’apprentissage et exonération de cotisation dans le viseur du CAE

Parmi les autres leviers évoqués par le CAE, figurent les aides à l’apprentissage. Le programme économique d’Emmanuel Macron depuis 2017 a fortement mis l’accent sur l’apprentissage avec une réforme et des aides massives à l’embauche. Pour relancer les recrutements après la crise sanitaire, le gouvernement de l’ex-Premier ministre Jean Castex avait encore renforcé ces dispositifs dans le plan de relance à 100 milliards d’euros. Mais cette politique publique sans véritablement de cible a depuis montré ses limites. « Alors que les effets positifs de l’apprentissage sur l’insertion professionnelle des jeunes peu qualifiés sont démontrés, ses effets sur les catégories plus diplômées, qui n’ont pas de difficultés pour s’insérer sur le marché du travail, sont peu significatifs », indiquent les économistes. Un recentrage sur les moins qualifiés permettrait des économies de l’ordre de 4 milliards d’euros.

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Le conseil d’analyse économique propose de revoir également le système des exonérations de cotisation des entreprises. Le total des allégements représenterait la somme astronomique de 80 milliards d’euros par an. L’organisme rattaché à Matignon propose par exemple de supprimer l’exonération de cotisation de la branche famille pour les salaires supérieurs à 2,5 SMIC. Ce qui permettrait de rapporter 2 milliards d’euros. Parmi les autres options sur la table figurent le crédit d’impôt recherche (2,5 milliards d’euros) ou encore la révision des droits de succession (9 milliards d’euros). Des pistes qui devraient être explorées par le prochain exécutif toujours dans l’attente.

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Grégoire Normand

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