lundi, septembre 30

Emploi : 2024, année du retournement du marché du travail en France ?

La courbe du chômage va-t-elle s’inverser en 2024 ? Après plusieurs années de baisse consécutives, le taux de chômage tricolore montre des signes inquiétants. Emploi en net repli, essoufflement de l’intérim, destructions d’emplois dans le bâtiment… La promesse d’Emmanuel Macron d’atteindre le « plein-emploi » pourrait rapidement s’éloigner.

Lire aussiToujours en hausse, l’emploi salarié privé ralenti au deuxième trimestre

Dans ses dernières projections macroéconomiques dévoilées lundi 18 septembre, la Banque de France table désormais sur une augmentation du chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) entre la fin de l’année 2023 et fin 2025, passant de 7,2% à 7,8%. Dans les faits, l’institution a révisé à la baisse ses prévisions de juin (7,4% en 2024 et 7,6% en 2025).

chomage 2024

Cette hausse est cependant loin d’être une surprise. Après les années Covid vertigineuses, l’exécutif a fermé drastiquement le robinet des aides en faveur des entreprises et des ménages. Au moment de la mise sous cloche de l’économie tricolore, l’Etat avait déployé un vaste arsenal d’outils pour limiter la casse économique et sociale (PGE, fonds de solidarité, chômage partiel, exonérations de cotisations, report de prélèvements). Résultat, de nombreuses entreprises ont pu conserver une grande partie de leur main-d’œuvre. Mais la donne a changé.

Lire aussiTous chômeurs pour enfin vaincre l’inflation !

Une réduction des effectifs dès l’année prochaine

Résultat, de nombreux économistes s’attendent à ce que les entreprises taillent dans leurs effectifs. Après une forte hausse en 2022 (775.000), les créations d’emplois en France devraient nettement s’essouffler en 2023 (319.000), avant de reculer (-60.000). S’agissant de 2025, les chiffres pourraient être encore plus médiocres (-80.000). Selon la Banque de France, ces projections devraient mieux correspondre au niveau de l’activité hexagonale.

En effet, la croissance des créations d’emplois a été nettement supérieure à celle de l’activité durant ces récents trimestres. « Il y a un début de correction de ce phénomène de la croissance faible riche en emplois », a expliqué Olivier Garnier, directeur général de la Banque de France interrogé par La Tribune. Ce paradoxe d’une faible croissance riche en emplois a plongé les économistes dans un épais brouillard et révélait les limites des modèles utilisés par les instituts de prévision. « L’emploi est le sujet sur lequel on s’est le plus trompé ces derniers trimestres » , a concédé Olivier Garnier lors d’un point presse.

Un rattrapage partiel de la productivité

Ce ralentissement de l’emploi devrait permettre à l’économie française de retrouver des gains de productivité supérieurs aux années du pic de la pandémie. La productivité, c’est-à-dire la richesse produite par emploi, avait enregistré des niveaux relativement bas depuis la propagation du virus dans l’ensemble de l’économie.

A cela s’est ajouté l’envol des embauches d’apprentis qui a également brouillé le calcul de la productivité dans les entreprises. « L’apprentissage affecte la productivité, car les apprentis sont comptés à temps plein », a souligné Olivier Garnier. La baisse des aides à l’apprentissage prévue par le gouvernement et l’ajustement de l’offre et de la demande de travail sur le marché de l’emploi devraient permettre d’avoir des emplois plus productifs. Néanmoins, la Banque de France ne prévoit pas un rattrapage de la productivité tricolore au niveau pré-pandémie avant 2025.

Lire aussiEn France, l’emploi résiste encore au coup de frein de l’économie, la productivité toujours en berne

La remontée des taux pèse sur l’emploi

Le resserrement de la politique monétaire des deux côtés de l’Atlantique pèse sur les perspectives de l’emploi. Jeudi dernier, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé d’une dixième hausse de ses taux directeurs, et ce, alors que plusieurs économistes tiraient la sonnette d’alarme sur les conséquences délétères d’une telle décision sur le marché du travail.

L’indice des prix a certes ralenti en Europe à la faveur d’une hausse des taux inédite depuis la création de l’Union monétaire en 2022. Mais la chute spectaculaire de la demande sur le Vieux Continent (investissement des entreprises, consommation des ménages) risque de se répercuter violemment sur l’activité. Dans de nombreux secteurs déjà en perte de vitesse depuis la pandémie, certaines entreprises sont loin d’avoir retrouvé leur niveau d’activité précédant la crise sanitaire. Cette sombre perspective pourrait encore freiner les embauches dans les mois à venir.

Lire aussiTous chômeurs pour enfin vaincre l’inflation !

Grégoire Normand

Lien source : Emploi : 2024, année du retournement du marché du travail en France ?