samedi, octobre 19

« Je ferai des compromis sauf avec le RN » (Lucie Castets, candidate de la gauche au poste de Première ministre)

LA TRIBUNE DIMANCHE – Emmanuel Macron considère que vous n’avez pas la capacité de gouverner, faute de majorité suffisamment solide. Vous répondez que si. C’est un dialogue de sourds. Comment en sortir ?

LUCIE CASTETS – Le président de la République doit mettre un terme à la paralysie inédite que nous vivons. Il doit prendre au sérieux le résultat des élections législatives et mettre au gouvernement la formation politique qui est arrivée en tête, le Nouveau Front populaire. Nous faisons l’hypothèse qu’il respectera la logique des institutions de la République.

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S’il ne vous a toujours pas nommée après les JO, que ferez-vous ?

Il est souhaitable que le gouvernement soit nommé au plus tôt. D’ici là, nous sommes au travail, nous préparons la mise en œuvre de notre programme.

Dans votre scénario, vous forgeriez des majorités au cas par cas. Mais ni les droites ni le centre n’entendent travailler avec LFI…

Nous irons chercher des compromis avec les autres groupes, à l’exception du Rassemblement national. Avec eux, jamais. Néanmoins, je ne serai pas responsable de leurs votes. S’ils veulent abroger la réforme des retraites ou améliorer les services publics, je ne peux pas les en empêcher. Mais je note que le RN n’a jamais proposé de texte allant dans le sens de la justice sociale ou de l’égalité. Quant au NFP, il ne votera jamais de texte venant du RN.

La gauche rejettera-t-elle toute proposition venant du bloc central ?

Je veux redonner sa légitimité au travail parlementaire. Les propositions de lois d’autres groupes et les bonnes volontés seront bienvenues si elles sont conformes à ce que porte le NFP. Dans ce cadre, je ferai des compromis et je discuterai des amendements.

Sur le vote du budget de l’État, est-il possible d’éviter un 49.3, une censure et donc votre chute ?

J’appelle de mes vœux un changement de méthode. Les deux chambres du Parlement ont été brutalisées par le gouvernement lors des précédentes législatures. J’essaierai d’éviter le 49.3 sur le budget mais je ne peux pas promettre de ne pas l’utiliser. Ensuite, pour qu’une censure soit votée, il faudrait qu’elle ait une majorité.

« Je suis une femme de gauche, avec des convictions féministes et écologistes. Mais je n’appartiens à aucun courant »

La France est sous le coup d’une procédure de la Commission européenne pour déficit excessif, un plan de redressement est attendu le 20 septembre. Que feriez-vous ?

Cette procédure sanctionne la gestion irresponsable du gouvernement sortant. On a coutume de dire que la gauche rase gratis et que la droite est rigoureuse. Mais je constate que la majorité précédente a réduit les recettes annuelles de 40 à 50 milliards d’euros depuis 2017 et que des dépenses importantes ont été engagées sans condition de résultat. La Commission européenne demande qu’on rétablisse les comptes, elle ne dit pas comment. Nous irons chercher des recettes fiscales et sociales à hauteur de 150 milliards d’euros à l’horizon 2027, afin de financer notre programme et de réduire le déficit, sachant que le NFP n’a pas pour objectif premier de respecter le pacte de stabilité et de croissance [PSC]. Celui-ci a été mal renégocié. La France proposera une nouvelle discussion.

Vous augmenteriez les impôts…

Nous voulons une grande réforme fiscale. La progressivité de l’impôt sur le revenu sera renforcée, il passera à 14 tranches, c’est davantage de justice. Pour une grande partie des ménages, cela correspondra à une baisse d’impôts. Il faut aussi que les expatriés fiscaux payent leurs impôts au fisc français, comme le font les Américains expatriés vis-à-vis du fisc des États-Unis. J’y vois une question de souveraineté. S’agissant des milliardaires, le débat est mondial : le G20 en discute ce week-end. La France doit être un moteur. Par ailleurs, nous élargirons la taxation du patrimoine et recréerons un ISF. Il n’est pas juste que les revenus du capital soient moins taxés que ceux du travail. S’agissant des entreprises, il faut commencer par arrêter les dispositifs les plus coûteux, par exemple les baisses de cotisations, qui sont surdimensionnées. Même le CAE, un organisme rattaché à Matignon, le dit.

Vous êtes engagée en faveur des services publics. Quelle serait votre priorité ?

Je veux faire comprendre une idée majeure : ce que nous n’investissons pas aujourd’hui dans l’éducation ou la santé va nous coûter beaucoup plus cher demain. Cette année, 3 200 postes sont non pourvus dans l’enseignement primaire et secondaire, comme l’an dernier. Des enfants seront donc sans enseignant. C’est dramatique. Cela met en danger les qualifications futures, donc la qualité des emplois et de toute l’économie. Il faut d’urgence rendre les métiers de l’éducation plus attractifs en les revalorisant. En 1980, un enseignant gagnait en moyenne 2,3 fois le smic. Aujourd’hui, c’est 1,2 fois le smic. Même logique en matière de santé. Il est temps d’en finir avec les déserts médicaux. Moins de soins et de prévention aujourd’hui, c’est davantage de pathologies demain, et cela sera plus onéreux pour le pays.

Si vous étiez nommée à Matignon. Qui dresserait la liste des ministres ? Jean-Luc Mélenchon avec Olivier Faure, Marine Tondelier et Fabien Roussel ?

C’est le Premier ministre qui compose le gouvernement. Cette composition tiendra compte de toutes les sensibilités du NFP. Le paysage gouvernemental doit être à l’image de nos ambitions. Il faut réfléchir à la taille des ministères et à leurs missions en fonction du programme.

Vous n’avez pas condamné les propos du député LFI Thomas Portes sur les athlètes israéliens. Ce n’est pas antisémite ? Ils ne sont pas les bienvenus en France ?

Ses propos sont maladroits mais je ne veux pas passer mon temps à commenter les choses. Je suis alignée avec les positions du NFP, dont j’embrasse tout l’équilibre. Je qualifie sans ambiguïté les attaques du 7 octobre de terrorisme, je veux la libération des otages, un cessez-le-feu et la fin des massacres à Gaza. Aux Jeux olympiques, il faut s’assurer de la sécurité des athlètes israéliens, il n’est pas question de les mettre en danger.

Comment définissez-vous votre personnalité politique ?

Je suis une femme de gauche, avec de fortes convictions féministes et écologistes. Mais je n’appartiens à aucun courant. Je suis au barycentre du Nouveau Front populaire.

Qu’est-ce qui vous a poussé à accepter ?

L’union de la gauche me réjouit, elle a remotivé les électeurs. J’ai compris qu’il n’y avait pas d’accord sur un nom pour Matignon. J’ai accepté la proposition en responsabilité.

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