vendredi, octobre 18

La Banque Postale : les assurances sauvent la banque

Ce n’est pas un hasard si Stéphane Dedeyan, l’ex-directeur général de CNP Assurances, désormais complètement intégrée dans La Banque Postale, a été nommé, en octobre dernier, président du directoire du groupe bancaire (groupe La Poste), en remplacement de Philippe Heim, brutalement remercié l’été dernier, pour un dérapage des coûts.

C’est bien le métier assurance qui sauve la banque en 2023, en contribuant à la quasi-totalité de la hausse des revenus (à 7,2 milliards d’euros en croissance de 16,7%, avec un effet positif de la mise en place de la norme IFRS17) et en permettant surtout au groupe d’afficher un résultat net (part du groupe) de 995 millions d’euros. Sans compter le dividende de 2 milliards d’euros versés par CNP Assurances à La Banque Postale, « jeu normal de circulation du capital au sein d’un groupe ».

Car les activités bancaires ont généré, l’an dernier, 321 millions d’euros de pertes (retraité des activités d’assurance transférés), contre une perte de 76 millions d’euros en 2022, la différence s’expliquant presque intégralement par la baisse de 17% de la marge nette d’intérêt (MNI), soit un effet négatif de 348 millions d’euros au niveau groupe.

Un modèle moins dépendant de la marge nette d’intérêt

De fait, La Banque Postale a été l’une des banques françaises les plus affectées par le choc de taux, compte tenu du parapluie du taux fixe à l’actif sur les crédits et la revalorisation, au passif, du Livret A (soit un manque à gagner de l’ordre de 400 millions d’euros). « Nous allons rendre notre modèle moins dépendant de la marge nette d’intérêt », a promis Stéphane Dedeyan, lors de la présentation des résultats annuels.

Comment ? Tout simplement en accélérant l’équipement en produits financiers des quelque 20 millions de clients du groupe. Le potentiel est énorme sachant que le taux d’équipement moyen est actuellement inférieur à deux produits. Alors, que la Banque Postale soit considérée comme un assureur avec des activités bancaires, comme le fait l’agence de notation S&P, ou qu’elle soit une banque à forte composante assurance, « peu importe l’ordre des mots, l’important est d’accompagner nos clients », insiste le dirigeant.

Coup de frein sur le crédit immobilier

Officiellement, le plan stratégique présenté en mai 2021, à horizon 2025, est toujours d’actualité. Sauf que les choses ne sont plus tout à fait comme avant. Le directoire a été resserrée sur les fonctions régaliennes. En clair, sur les cordons de la bourse. Par petites touches, le nouveau patron serre les boulons, tranche, réorganise et mise sur le développement commercial en souhaitant une meilleure réactivité avec le réseau des bureaux de poste. Ce qui ne se fera pas du jour au lendemain.

Une de ses premières décisions a été de stopper la production de crédit immobilier au second semestre (un peu à contre courant d’ailleurs des autres banques) à 2,6 milliards d’euros contre 5 milliards au premier semestre. Quitte à reperdre les parts de marché durement gagnés.

C’est aussi la décision d’arrêter les activités de Ma French Bank, la jeune banque en ligne, malgré son succès commercial (700.000 clients). Le niveau des investissements nécessaires pour rentabiliser la néobanque a été jugé trop élevé. Le coût de la cessation progressive des activités a été provisionné à hauteur de 107 millions d’euros, avec comme scénario central, un reclassement en interne et la reprise du fonds de commerce par la Banque Postale (même si, conformément à la loi Florange, le groupe a mandaté une banque conseil et ouvert une « data-room pour d’éventuels acquéreurs).

Forte hausse des tarifs bancaires

Autre inflexion, sans le dire, la mission de la « BFI » (banque de financement et d’investissement), un projet cher au précédent président, est bien ancrée sans équivoque dans les territoires, avec une ambition qui relève plus de la banque commerciale que de la banque d’investissement. Ce périmètre (20 % du résultat net du groupe) pourrait d’ailleurs réintégrer le périmètre de la bancassurance de détail en France dans la présentation des comptes. Le tout s’accompagne par des efforts de rationalisation (125 millions d’euros en 2023), avec un nouvel objectif de 200 millions d’euros d’économies sur 2024. Enfin, le contexte macroéconomique devrait être meilleur pour la banque en 2024, le choc de taux étant désormais largement absorbé.

« Le cap stratégique ne change pas, c’est plutôt le rythme de la mise en œuvre avec une opérationnalisation plus rigoureuse », résume Stéphane Deveyan. Une rigueur qui s’applique aussi aux clients. Après un gel des tarifs en 2023, La Banque Postale applique des hausses vertigineuses sur certains services bancaires, comme les frais de tenue de compte (+21%) à 20,4 euros, le virement en agence (+25%) ou le retrait déplacé (+17%) ou la commission d’intervention (+15%). Certes, ces tarifs restent dans la moyenne du marché. Mais « la banque citoyenne » fait du coup un pas de côté.

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