vendredi, septembre 27

Le projet de scission de Vivendi pose la question de l’attractivité de la place de Paris

L’indice phare de la place de Paris, le CAC 40, s’apprête à perdre l’une de ses valeurs historiques. Le projet de scission du groupe Vivendi, attendu par les marchés et promis par l’actionnaire de contrôle Vincent Bolloré, devrait se traduire, selon un communiqué du groupe, par la cotation de ses principaux actifs à Londres (Canal +) et à Amsterdam (Havas). Rappelons que Vivendi avait déjà choisi les Pays-Bas pour faire coter sa filiale Universal Music Group (UMG) lors d’une précédente scission en 2021.

Les activités de l’édition resteront cotées à Paris, comme d’ailleurs la holding Vivendi, transformée du coup en société de gestion de portefeuille. L’idée est de réduire « la décote de holding » de Vivendi en valorisant au mieux les différentes activités, notamment par rapport à ses pairs internationaux.

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« Ce projet de Vivendi pose plusieurs questions, et notamment celle de savoir si c’est ou non un choix patrimonial de la famille Bolloré. Je ne vois pas pourquoi ces actifs seront mieux valorisés à Londres ou à Amsterdam », réagit Olivier de Guerre, président de la société de gestion Phitrust.

Les deux sujets de TotalEnergies

Evidemment, cette annonce de double cotation dans des places étrangères renvoie à l’émotion suscitée en mai dernier lorsque Patrick Pouyanné, PDG du groupe pétrolier TotalEnergies, avait évoqué des réflexions sur une éventuelle cotation à New York. Le dirigeant avait alors clairement posé deux sujets. Le premier concernait l’impressionnant écart de valorisation, entre 40 et 60%, entre le groupe français, pourtant l’un des mieux gérés du secteur, et ses concurrents américains. Un écart de valorisation également avancé par Vivendi pour justifier une cotation à Londres.

Le second sujet de TotalEnergies concernait le « désamour » des Français et des européens pour sa société et la montée en puissance des actionnaires américains (47% des investisseurs institutionnels, soit environ 35 % du capital). En creux, le dirigeant signifiait son « ras-le-bol » face à des pouvoirs publics toujours tentés de « surtaxer ». Même une commission du Sénat avait émis l’idée du « golden share » permettant à l’Etat de s’opposer à certaines décisions, comme le déménagement du siège. Sans parler de la récente décision de la Cour d’appel de Paris de juger recevable l’action en justice des ONG sur le climat.

Tollé général

La proposition du PDG de la major pétrolière a en tout cas suscité un tollé général dans la classe politique – le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, avait même jugé l’idée « très grave » – et d’intenses débats dans les milieux d’affaires et financiers avaient éclaté. Il ne s’agissait pourtant que d’un projet, qui ne portait en plus que sur une double cotation, à Paris et à New York, avec maintien du siège à Paris. Le groupe Alcatel avait également opté pour une double cotation au temps sa splendeur au tournant des années 2000. Une décision alors saluée à l’époque comme une fierté nationale !

Les pouvoirs publics n’ont cessé de promouvoir à partir des années 70 des « champions » et cette ambition est aujourd’hui largement réalisée. 75% de l’activité du CAC 40 est générée à l’étranger et les investisseurs étrangers détiennent plus de 40 % du capital de ces entreprises en moyenne (et ce malgré le poids de certaines grandes familles, comme Dassault ou Arnault). Mais aujourd’hui, la compétition entre les places souligne les forces et faiblesses des uns et des autres.

« Les valorisations et la liquidité sont plus importantes sur le marché américain que sur des marchés européens, qui restent fragmentés (…). Ces annonces (de TotalEnergies, NDLR) sont une incitation forte à continuer à œuvrer très activement pour que l’Europe se mette en situation d’avoir des marchés de capitaux plus performants », avait ainsi estimé Marie-Anne Barbat-Layani, présidente de l’Autorité des marchés financiers (AMF), lors de la présentation de son rapport annuel en juin dernier.

Place de cotation ou siège social

Le choix d’Amsterdam par rapport à Paris étonne, un mois à peine l’adoption de la loi sur l’attractivité financière qui institue en France le droit de vote double. C’est comme un pied de nez à une mesure jugée phare par les promoteurs de la loi mais aussi par le régulateur. Cette décision peut cependant s’expliquer par une gouvernance plus fermée aux Pays-Bas. Les administrateurs ne sont pas notamment révocables par l’assemblée générale des actionnaires et c’est bien le conseil qui décide de l’attribution des actions à droit de vote multiple.

« Le sujet n’est pas la place de cotation mais la possibilité pour un groupe comme TotalEnergies de transférer son siège social du jour au lendemain partout en Europe », estime Olivier de Guerre. Déjà, plusieurs groupes du CAC 40 ont leurs sièges sociaux à l’étranger, comme Stellantis, Airbus, ArcelorMittal, STMicro ou Solvay.

Si on retient les principes de la démocratie actionnariale, il suffirait de peu pour que le pouvoir effectif de ces grands groupes ne glisse dans d’autres mains étrangères. « Peu de gens ont encore compris que les évolutions au capital des grands groupes ne seront pas sans conséquence sur la gouvernance », prévient un grand banquier de la place.

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