dimanche, septembre 22

Les énergies renouvelables coûteront six fois plus cher que prévu à l’Etat en 2024

Encore une mauvaise nouvelle pour les finances publiques. Alors que l’Etat n’avait pas capté les surprofits escomptés des énergéticiens pendant la crise de 2022 et 2023, il touchera également moins que prévu en 2024. En effet, la baisse des prix de marché de l’électricité, que l’on observe depuis plusieurs mois, l’oblige désormais à soutenir davantage les producteurs d’énergie renouvelable.

Résultat : les charges qu’il devra compenser cette année, c’est-à-dire les montants à rembourser à ces opérateurs, s’élèvent à 4,2 milliards d’euros sur l’année, a fait savoir mardi soir la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Soit 3,5 milliards d’euros de plus que ses prévisions initiales, qui datent de juillet dernier et qui misait sur une dépense de 647 millions d’euros pour toute l’année 2024.

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Des contrats avec l’Etat pour soutenir les renouvelables

Mais comment expliquer une telle sous-estimation ? Pour le comprendre, il faut se plonger dans la manière dont le gouvernement soutient financièrement les énergies renouvelables. Une bonne partie de ces infrastructures se trouvent sous contrats dits « de complément de rémunération », afin de ne pas subir la volatilité de la bourse d’échange. Concrètement, un prix cible pour la vente de l’électricité des producteurs d’énergies renouvelables, appelé « strike price », est défini lors d’un appel d’offres. Si les cours du marché tombent en-dessous de ce montant, qui est proche de leurs coûts de production, l’Etat se doit de leur rembourser la différence. Et ce, afin d’éviter qu’ils ne vendent à perte sur les marchés.

A l’inverse, lorsque les cours du marché dépassent ce « strike price », les producteurs doivent restituer le surplus à la puissance publique, pour éviter tout superprofit. C’est pour cette raison qu’en 2023, alors que les cours avaient explosé à des niveaux jamais vus jusqu’ici, l’éolien terrestre a rapporté plus de 3 millions d’euros aux finances publiques.

Hausse des cours

Or, depuis la dernière estimation de la CRE pour 2024, ceux-ci ont drastiquement baissé sur les bourses d’échange. Et pour cause : les Français consomment moins d’électricité que prévu, alors même que le parc nucléaire a retrouvé de bons niveaux de production et que les barrages sont remplis. Ainsi, tandis que dans la première évaluation de la CRE de juillet dernier, les prix de marché utilisés flirtaient en moyenne autour de 174 euros/MWh, ils n’étaient plus que de 63 euros/MWh dans la mise à jour de mardi !

Résultat : « Les charges engendrées par les contrats de soutien à la production d’énergie augmentent en conséquence sur la fin de l’année 2023 et l’année 2024 », note l’autorité indépendante.

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Dans le détail, cette baisse des prix de marché renchérit de 5,9 milliards d’euros les charges de l’Etat liées au soutien aux énergies renouvelables, notamment pour le solaire photovoltaïque, l’injection de biogaz et l’éolien en mer (tandis que l’éolien terrestre, lui, va rapporter 100 millions d’euros).

Cette accalmie permet néanmoins, dans le même temps, de diminuer les dépenses du bouclier tarifaire, ce dispositif mis en place par le gouvernement fin 2021 pour protéger les consommateurs et qui tire peu à peu sa révérence. Mais « seulement » à hauteur de 3 milliards d’euros, un montant insuffisant pour compenser les autres hausses de charges.

Vers des contrats de droit privé ?

Reste à savoir ce qu’il se passera après 2024. Selon la CRE, les dépenses de l’Etat liées au soutien aux énergies renouvelables devraient continuer d’augmenter, pour atteindre autour de 6 milliards d’euros en 2025, « soit un retour au niveau d’avant-crise ». Et cette tendance se poursuivra probablement après cette date, si tant est que les prix de marché ne redécollent pas. « Le soutien à l’éolien en mer va s’accélérer, ainsi que celui à l’injection de biogaz. Cela est de nature à augmenter les charges », explique une source proche du dossier.

Alors qu’en avril 2022, l’association France Energie Eolienne (aujourd’hui France Renouvelables) assurait que d’ici à 2035, l’éolien rapporterait à l’Etat une recette nette estimée à 18 milliards d’euros à l’Hexagone, ces projections ne sont plus d’actualité, explique Mattias Vandenbulcke, son directeur de la stratégie.

« Ce sera beaucoup moins. Nous avions fait cette évaluation dans un contexte de prix qu’on pensait très élevés. La CRE les fléchait autour de 96 euros/MWh à long terme ; ce n’est plus le cas aujourd’hui », développe-t-il, tout en précisant que l’éolien terrestre a déjà « remboursé en 2022 et 2023 une grande partie du soutien public dont elle a bénéficié [avec 6 milliards d’euros restitués à l’Etat en raison de l’explosion des prix de marché, ndlr] ».

Dans ce contexte, la CRE tente de favoriser le développement des Power Purchase Agreements, ou PPA, ces contrats de droit privé liant un producteur d’électricité à un ou plusieurs consommateurs, notamment des entreprises. Et pour cause, leur généralisation permettrait de soutenir le développement de l’éolien et du solaire, notamment, sans demander d’efforts budgétaires au budget de l’Etat. Selon nos informations, l’autorité administrative a d’ores et déjà demandé aux producteurs volontaires leurs retours d’expérience sur le sujet, alors que les PPA peinent à se développer en France.

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Pourquoi le solaire coûte si cher à l’Etat

En 2025, les panneaux solaires devraient peser pour la moitié environ des 6 milliards de soutien financier de l’Etat aux énergies, selon la CRE. En effet, tandis que l’éolien représentera une charge de 100 millions d’euros, l’injection de biogaz d’un peu plus d’un milliard d’euros et l’éolien en mer de 500 millions d’euros, le photovoltaïque coûtera, à lui seul, presque 3 milliards d’euros aux finances publiques !

Pendant la crise, d’ailleurs, les opérateurs solaires n’ont pas restitué autant d’argent à l’Etat que ceux dans l’éolien, loin de là : en 2023, les premiers ont remboursé près de 100 millions d’euros, contre 3,5 milliards pour l’éolien.

Et pourtant, les prix de cette énergie ne sont pas si éloignés de ceux de l’éolien terrestre, puisque les derniers appels d’offre flirtent autour de 80 euros/MWh. En toute logique, lorsque les cours du marché dépassent ce montant (comme en 2022 et 2023, où ils ont atteint plusieurs centaines d’euros/MWh) les producteurs devraient donc rendre la différence.

Seulement voilà : 20% du parc solaire installé en France bénéficie toujours d’anciens tarifs de rachat très avantageux. « Les premiers contrats signés au début des années 2010 avec l’Etat ont été décrochés autour de 600 euros par MWh », explique à La Tribune une source informée. Soit un niveau bien éloigné des coûts de production actuels. Résultat : sur les 2,9 milliards de soutien prévus pour le secteur en 2025, 67% de ce montant correspond à des charges engendrées par ces deals d’un autre temps, qui n’ont pas été renégociés depuis.

Marine Godelier

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