dimanche, septembre 22

Normes administratives : le ras-le-bol des patrons

Attention aux pots de fin d’année. « Si vous offrez un cocktail de Noël à vos salariés, c’est considéré comme un avantage en nature, sur lequel vous devrez payer des cotisations sociales, alors que si vous notez que c’est un séminaire de fin d’exercice, vous n’en paierez pas, c’est ubuesque ! » prévient Pierre, à la tête d’une société d’informatique d’une cinquantaine de personnes. Si cet entrepreneur préfère garder l’anonymat, c’est parce qu’il a été épinglé par l’Urssaf à ce sujet…

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Kafkaïen

Des situations kafkaïennes de ce type, les chefs d’entreprise en racontent à la pelle. Tous expliquent ne plus avoir le temps de se consacrer à leurs activités tant cette inflation de règlements administratifs, de dispositions venues de Bruxelles, de codes, de protocoles les accapare et les décourage.

« Ces dernières années, le train s’est emballé : pour obtenir le financement d’une banque, postuler à un appel d’offres, exporter, il faut remplir des déclarations en matière de responsabilité sociale, de respect de la diversité, justifier votre bilan carbone, etc. », égrène Bruno Grandjean, excédé. Le PDG de Redex, PME de machines-outils employant 300 personnes, alerte : « Ce sont autant de freins à notre compétitivité. » Aussi les représentants des patrons de petites et grandes structures, Medef, CPME et U2P, ont-ils décidé d’interpeller Emmanuel Macron : « Simplifiez plus, et plus vite », exigent-ils.

Le moment n’a pas été choisi au hasard : mardi, le chef de l’État a prévu de les solliciter. Alors que la conjoncture économique se durcit, que le chômage augmente, Emmanuel Macron veut les encourager à se mettre en ordre de bataille pour exporter et accélérer la réindustrialisation du pays. Seul hic, ces chantiers butent souvent sur les contraintes normatives. Certes des efforts ont été faits pour raccourcir les délais d’implantation d’une usine de dix-huit à neuf mois, mais, dans l’Hexagone, c’est encore près d’un semestre de plus qu’outre-Rhin. Selon l’OCDE, la France arrive en queue de peloton des pays où les normes entravent le plus la concurrence, quand le Royaume-Uni est 1er, l’Espagne 2e et l’Allemagne 4e.

Mise en place de la DSN, la déclaration sociale nominative

Mercredi dernier, Bruno Le Maire a toutefois rouvert le chantier de la simplification. Le ministre de l’Économie recevait les fédérations patronales, les invitant à donner leurs idées et avis pour en finir avec « les obligations nationales, locales, européennes, les règlements qui font perdre du temps et de l’argent ». Échaudés, les entrepreneurs craignent que la consultation n’accouche d’une souris. Que la bonne intention s’arrête au coup de com. Et pour cause, ce n’est pas la première fois qu’ils entendent ce type de promesses. Nicolas Sarkozy et François Hollande avaient eux aussi promis d’alléger leur fardeau bureaucratique. « Mais il n’y a pas eu de suivi, aucune politique à long terme », regrette un ministre. Entre 2014 et 2016, Thierry Mandon était secrétaire d’État à la simplification.

Une de ses fiertés ? La mise en place de la DSN, la déclaration sociale nominative, qui remplace celles faites à l’Urssaf, à l’Assurance maladie, aux caisses de retraite, etc. « Cette solution unique et rapide fait gagner un temps fou aux employeurs, se félicite-t-il. Un cabinet indépendant a chiffré le gain de productivité à plus de 1 milliard d’euros. » Une avancée importante, mais combien de reculs depuis ? « Le problème, c’est que l’on ne traite pas le flux de règlements ; autrement dit, on ne ferme pas le robinet pendant que l’on écope la baignoire », regrette un conseiller ministériel.

Pourtant, des solutions existent. Inspiré par la Suède, l’Allemagne, les Pays-Bas, Thierry Mandon suggère de lancer une vaste politique interministérielle avec des objectifs de planification à dix ans, de mener des études d’impact pour évaluer les conséquences des règlements. « Le gisement pour notre économie se chiffre en milliards d’euros, c’est de l’or pur ! » résume l’ancien ministre.

En attendant, Bruno Le Maire n’exclut pas un projet de loi de simplification l’an prochain, à l’image de la loi Pacte ou du texte sur les influenceurs qu’il a portés. Conscient toutefois que « ce sera un combat difficile ».

Fanny Guinochet

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