vendredi, septembre 20

Télévision : quel avenir pour C8 et TPMP après la gifle de l’Arcom ?

« Quel mépris pour le public ! » Ce mercredi, Gérald-Brice Viret, le directeur général de Canal+ France, s’est dit « sous le choc » sur X (ex-Twitter), après la décision de l’Arcom de priver C8 de sa fréquence TNT. Désormais, le petit monde de l’audiovisuel français s’interroge : comment va réagir Canal+, la maison-mère de C8, contrôlée via Vivendi par le milliardaire conservateur Vincent Bolloré ? Quel avenir pour la chaîne, et notamment son émission phare « Touche pas à mon poste », de Cyril Hanouna ? Interrogé par La Tribune, Canal+ se refuse pour le moment à tout commentaire.

Quoi qu’il en soit, C8 ne va pas disparaître tout de suite de la TNT. Son actuelle autorisation de diffusion s’achève au 28 février 2025. D’ici là, Canal+ a toujours la possibilité de saisir le Conseil d’Etat pour contester la décision de l’Arcom. S’il ne le fait pas, ou n’obtient pas gain de cause vis-à-vis du gendarme de l’audiovisuel, il aura deux possibilités. La première sera d’éteindre la chaîne. La seconde consistera à poursuivre sa diffusion sur d’autres réseaux, par exemple via les bouquets de chaînes des opérateurs télécoms sur leurs box Internet, ou sur un canal 100% numérique comme Youtube. Mais dans ces cas de figure, la part d’audience de C8, aujourd’hui de 3,1%, « serait mécaniquement réduite alors que la TNT représente environ un cinquième de l’audience TV », souligne Jérôme Bodin, analyste chez Oddo BHF, dans une note ce mercredi. Ce qui aura un impact important sur ses recettes publicitaires, et donc ses revenus.

C8, « une source de perte »

Malgré son impact social, une fermeture complète de C8 « ne serait pas une mauvaise nouvelle d’un point de vue financier », affirme Jérôme Bodin. L’analyste rappelle que la chaîne est déficitaire, et évalue sa perte opérationnelle « autour de 20 millions d’euros » en 2023. « C’est donc une source de perte qui devrait disparaître », insiste-t-il. Enseignant-chercheur à l’Inseec Business School, Julien Pillot partage cet avis. « Il n’est pas exclu de penser que cette décision de l’Arcom pourrait, en fait, rendre service à Vincent Bolloré, en lui donnant le bon prétexte pour liquider C8, un centre de coûts, et rapatrier son actif ‘bankable’, à savoir TPMP, sur une chaîne profitable », explique-t-il.

La poule aux œufs d’or TPMP pourrait, ainsi, avoir une seconde vie sur une autre chaîne du groupe Canal, comme Canal+, CStar ou CNews. « Rien ne sera plus simple que de reprogrammer ailleurs TPMP et son animateur-producteur Cyril Hanouna », affirme Julien Pillot. L’économiste évoque, tout particulièrement, la possibilité de migrer l’émission « sur Canal+, en clair, en avant-soirée ».

« On peut imaginer un rebranding de TPMP »

Cela dit, la préservation de TPMP dans son format actuel sur une autre chaîne pourrait à nouveau susciter la colère de l’Arcom. « Afin d’éviter certaines critiques, on peut aussi imaginer un rebranding de TPMP, poursuit Julien Pillot. On prend les mêmes et on recommence, ou presque, sur une autre chaîne, mais avec une autre marque, un autre habillage et un nouveau format. Même si faire le deuil d’une marque aussi forte que TPMP n’a rien d’évident. »

Dans l’hypothèse d’une diffusion en clair sur Canal+, on peut aussi se demander si une telle initiative ne serait pas problématique pour l’avenir de la chaîne, dont la convention s’achève dans moins d’un an, au 5 juin 2025… D’autre part, les tensions entre le groupe et l’Arcom pourraient-elles avoir des conséquences auprès des investisseurs, dans la mesure où le groupe a prochainement vocation à être coté à la Bourse de Londres ?

A cet égard, Julien Pillot considère que les autorités réfléchiront sans doute à deux fois avant de sanctionner Canal+, étant donné son poids dans l’écosystème audiovisuel et culturel de l’Hexagone. « Canal+ est le principal argentier du cinéma français, rappelle l’économiste. Sanctionner la chaîne pourrait avoir de lourdes conséquences pour cette filière. »

L’état-major de Canal+ n’entend pas, semble-t-il, prendre de décision hâtive. « Nous allons maintenant prendre le temps d’analyser sereinement la situation qui s’impose à nous, a écrit Maxime Saada, le PDG du groupe, à ses salariés. Une chose est certaine : le groupe Canal+ s’est toujours illustré par son agilité, sa capacité à s’adapter et à rebondir. » Ses arbitrages sont, dans tous les cas, très attendus.

Pierre Manière

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